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La théorie de l'évolution — Moulins
La ville est une structure vivante, en constante évolution. Chaque période engendre ses propres théories urbaines, chaque paradigme supplante le paradigme précédent. Souvent perçues a posteriori comme des échecs, ces changements consécutifs interrogent la capacité des théories urbaines à dépasser les questions exclusives de leur temps. À défaut de pouvoir prévoir l’avenir, quelle serait la manière d’anticiper les exigences futures ? Comment proposer des structures ouvertes aux variations ?
 
Le corpus des sciences naturelles et ses concepts d’adaptabilité, de transformation et d’évolution a été sollicité. Deux doctrines s’affrontent : la théorie du transformisme de Lamarck et la théorie de l’évolutionnisme de Darwin. Ces postulats, opposés dans le champ des sciences, se révèlent complémentaires dans l’analyse des dynamiques urbaines et constituent les outils de projet de la ville adaptable. La structure urbaine de la ville de Moulins découle ainsi de deux processus aux temporalités différentes.
 
D’une part, une évolution lente avec l’Allier comme pièce maîtresse. Les ponts, les crues de l’Allier et de ses affluents, les digues et les terrains inondables constituent un maillage puissant sur lequel le projet prend appui. Cette structure géographique se transforme de proche en proche, les ruptures n’y sont pas franches à l’image de la théorie du transformisme de Lamarck. Le projet propose de redonner à l’Allier un rôle de premier plan : le paysage est la qualité première de la ville.
 
D’autre part, Moulins est le théâtre d’une lutte concurrentielle où les opportunités sont saisies suivant le modèle de l’évolutionnisme établi par Darwin. La valeur marchande des emplacements, le prix des loyers, l’efficacité de la desserte sont les facteurs déterminants de la fabrication de la ville. Le projet laisse libre cours aux initiatives citoyennes et tire parti des dynamiques existantes. Les franchissements déployés dans toute l’épaisseur de la rive gauche assurent une cohérence minimale sur laquelle la mécanique darwinienne, vient se greffer.
 
Le projet propose de tirer parti du nouveau franchissement pour activer les cellules en dormance. L’adaptabilité de la rive gauche, pour être efficiente, doit s’appuyer sur le déjà-là. Mettre en valeur, relier, investir, achever, recycler. Ces actions minimales permettent des ajustements rapides tout en limitant les dépenses énergétiques et financières. Le potentiel actif des entités territoriales est testé par ces opérations pilotes réversibles. Un processus itératif entre le site, les habitants et le projet est mis en place.
 
La rive gauche dispose déjà des organes nécessaires à sa survie. L’Allier, les berges, les affluents, le bocage bourbonnais, le CNCS, la voie ferrée, le sol fertile et les digues constituent ses fonctions vitales. Irriguées, hybridées et stimulés, elles sont garantes d’une évolution rapide de la ville et offrent la structure capable la plus efficace susceptible de muter au gré des besoins de ses habitants.
interviews
  • Présentation du projet
  • Parole à la ville
  • Parole aux experts
L'avis du jury
Le  projet  considère  l’évolution  de  la  ville  sur  le  temps  long  en  regard  des  modifications  naturelles  ou anthropiques  du  régime  de  la  rivière.  Une  analogie  aux  sciences  naturelles  oppose  deux  paradigmes : le transformisme de Lamarck évoque une adaptation continue de la structure urbaine au milieu naturel ; l’évolutionnisme de Darwin évoque la compétition entre les individus et les actions de l’homme sur le milieu naturel. En repérant les parts relatives entre ce qui relève d’une évolution naturelle et ce qui relève de modifications humaines, le projet se décline en neuf territoires rapportés à des modalités d’action spécifiques : l’Allier, les affluents,  la  voie  ferrée,  le  Cours  de  Bercy,  la  zone  humide,  les  vergers,  le  CNCS,  le  nouveau  pont,  la  rive gauche  habitée.  La  superposition  cartographique  de  ces  territoires  dessine  une  structure  paysagère  fluide, traduisant un ensemble de transformations volontaires qui ne grèvent pas l’évolution naturelle des milieux.

Le jury a salué la pertinence de la problématique soulevée dans un contexte fluvial et la finesse du travail spatial issu d’une démarche théorique structurée. Il a également remarqué la capacité du projet à tisser les liens entre les deux rives et à intervenir sur la grande échelle avec des actions mesurées.
L'équipe
Formée au Magistère d’urbanisme de la Sorbonne, Clara Loukkal multiplie les expériences en agence de paysage avant d’intégrer le cursus de formation des paysagistes dplg de Versailles. Son parcours l’a conduite à trouver un terrain d’exercice à cheval entre urbanisme et paysage au sein de l’agence de Michel Desvigne. Dans le même temps, Benoît Barnoud, architecte de formation, enrichit son parcours par le master d’histoire des jardins de Paris I, puis par l’école de paysage de Versailles. Son expérience à l’agence Ter lui a permis de développer une approche multiscalaire du territoire.
 
La complémentarité de leurs points de vues par l’urbanisme et l’architecture – avec le paysage pour dénominateur commun – leur permet d’envisager les questions urbaines à travers un large spectre de disciplines. Après plusieurs collaborations, le site proposé à Moulins a semblé un terrain favorable pour appréhender la fabrication de la ville par le prisme du paysage.
 
La structure géographique des territoires habités comme vecteur opérationnel de transformation est au cœur de leurs préoccupations. Si le site de Moulins constitue un exemple représentatif de cette imbrication entre infrastructure, paysage, et ville ; d’autres projets ont permis de construire cette méthode. À Kiev, le cours d’eau anastomosé du Dniepr, induit un développement par archipel de l’urbanisation. À Achères, l’intérieur du méandre inondable de la Seine a dicté à la ville son implantation à distance de l’eau.
 
Plus largement, l’approche par les paysagistes des questions urbaines à l’échelle territoriale leur semble fertile. La topographie, l’hydrographie, la géologie et la nature des sols sont alors considérées comme les vecteurs déterminants de l’évolution des villes. Les exemples laissés par Claude Nicolas Forestier en Argentine ou au Maroc, par Jacques Sgard à Beyrouth, ou par Michel Corajoud sur la plaine Saint-Denis ou à l’Isle d’Abeau constituent les jalons de cette approche pluridisciplinaire et ouverte de la ville.
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