Dans les territoires ruraux et en particulier en Corrèze, l'adaptabilité est une nécessité. En raison des moyens limités des communes, les projets se font par petites actions successives. Une commune réalise parfois seulement un bâtiment, ou un morceau d'espace public sur la durée d'un mandat électoral. Par ailleurs, les actions privées (habitat, commerces, équipements de santé) ne sont pas toujours encadrées alors qu’elles ont un rôle structurant majeur dans ces territoires. L'enjeu est d'arriver à faire converger toutes ces petites impulsions vers une vision commune, pouvant perdurer au fil du temps. Nous avons donc réfléchi à un projet « processus », ouvert, où il y a un aller-retour permanent entre un objectif et les moyens pour y parvenir. Les «figures» de projet sont un moyen pour initier ces allers-retours.
Les trois sites permettent de faire émerger une structure simple et à chaque fois unique pouvant être construite patiemment et évoluer au gré des besoins, des financements ou de la disponibilité du foncier sans qu’un caractère d’inachèvement soit ressenti. Ainsi à Ussel, les murs de soutènement existants définissent différents plateaux qui peuvent être occupés au gré des besoins par des programmes (maison de retraite, logements, espaces culturels) tout en garantissant un rapport très fort au sol immédiat et à l’horizon. À Argentat, la figure de l’îlot à quatre côtés est devenue un « backyard », un lieu autour duquel organiser les différentes opérations (logements, commerces, centre de loisirs) et un lieu de proximité pour les habitants qui peuvent l’investir pour des activités associatives et l’entretenir. À Turenne-gare, c’est la topographie qui a défini différentes manières d’implanter le bâti (logements, activités, hébergement touristique) selon que l’on est en fond de vallée, sur le coteau ou le long de la rue principale, à l’image du village de Turenne, magistralement implanté sur le relief.
En parallèle des structures, il faut ici travailler sur les façons de faire, qui seront peut-être plus longues, souvent même modestes mais plus durables. Une culture de projet propre à ces territoires est à mettre en place, devant permettre de regrouper des acteurs qui n’ont pas vocation au départ à se rencontrer. Chaque projet intègre donc un lieu, créé dès les prémices (le bâtiment de stockage de la gare à Turenne, une partie du bâtiment commercial réhabilité à Argentat, un nouvel édifice sous l’une des halles à Ussel), permettant la réunion des différents acteurs impliqués et la conception du projet très en amont du premier coup de crayon, la concertation avec tous les habitants, l’exposition des projets. Ces lieux, nommés maisons-Corrèze, sont destinés à former un réseau. Dans chaque site, ils sont à la fois des points de ralliement pour tous les acteurs qui souhaiteraient participer, la préfiguration d’une intention urbaine, et aussi un lieu d’animation des sites, associés à chaque fois à d’autres usages.